Dans le premier article de cette série, nous avons introduit 11 limites planétaires à l’activité industrielle.
Dans le but d’évaluer la considération des entreprises du secteur industriel pour ces limites planétaires, nous avons mené une série d’entretiens avec des industriels français, où nous avons voulu comprendre quelles étaient leurs perceptions des externalités, y compris environnementales.
Nous en présentons les résultats dans ce second article.
Périmètre de l’enquête
Nous avons mené des entretiens avec 9 entreprises, couvrant un spectre large en termes de taille et de secteur d’activité.
Note : afin de pouvoir dévoiler le maximum de détails sur le fonctionnement de ces entreprises, nous avons fait le choix d’anonymiser les données récoltées.
Figure 1 : profil des entreprises étudiées
Méthode
Nous avons interrogé nos interlocuteurs sur 4 externalités clés pour l’industrie : les matières premières, l’eau, l’énergie et les déchets.
Nous avons cherché à savoir :
• Comment elles impactent l’activité de l’entreprise aujourd’hui
• Si elles font l’objet d’une gestion particulière
• Si elles sont considérées comme des sources potentielles de tensions dans le futur
• Si elles font l’objet d’une stratégie de gestion sur le long terme liée au dépassement possible des limites planétaires telles que présentées dans l’article 1.
Résultats synthétiques
Voici une présentation synthétique des résultats des entretiens. La version détaillée est disponible dans la seconde partie du livre blanc, disponible sur le site d’IDH21.
Figure 2 : vue synthétique des résultats sur les 4 externalités étudiées
Légende :
N/A : l’entreprise consomme peu ou pas du tout de cet intrant.
Les – et + indiquent le niveau de priorité de la problématique de chaque colonne pour chaque entreprise.
Analyse des résultats
Matières premières
Toutes les entreprises ont déjà vécu des tensions sur l’approvisionnement en matières premières, que ce soit de manière sporadique ou cyclique. Ces tensions se sont, sans surprise, accentuées depuis la pandémie COVID.
La majorité des entreprises apportent beaucoup d’attention à la problématique de tensions sur les matières premières dans le futur, et élaborent des stratégies pour s’en prémunir.
Cependant, il est important de noter que tous nos interlocuteurs considèrent que ces tensions d’approvisionnement font partie du ‘business as usual’. Seule la société GG1 a identifié que l’un de leurs intrants principaux pourrait être en tension réelle du fait du réchauffement climatique.
Les stratégies considérées ne sont donc pas majoritairement dans l’optique d’une raréfaction de l’accès aux matières premières, mais dans le but de se préserver des aléas du marché. L’enjeu des matières premières est donc celui de la résilience de leur entreprise.
Déchets
Les déchets sont le deuxième thème sujet considéré par les entreprises interrogées. Très peu d’entre elles considèrent que les déchets ont un impact direct sur leur activité mais toutes visent à les réduire autant que possible.
Certaines ont mis en place des processus spécifiques pour des raisons réglementaires existantes ou potentiellement à venir, mais toutes sont motivées par une conscience de l’impact négatif sur l’environnement de la production de déchets, combinée à une motivation économique.
En effet, la valorisation des déchets génère des revenus ou des économies qui améliorent la rentabilité de la production. Les entreprises PME2 et PME3 sont les seules qui s’inscrivent réellement dans une dynamique d’économie circulaire, puisque non seulement elles valorisent leurs déchets mais certaines de leurs matières premières proviennent de la récupération des déchets d’autres activités.
Cette forte considération pour la problématique des déchets se retrouve dans les chiffres nationaux puisque plus de 50% de la grande majorité des différents types de déchets sont valorisés en France par l’industrie manufacturière (Source INSEE).
Énergie
L’énergie n’est pas considérée aujourd’hui par ces entreprises comme une problématique majeure, au-delà de l’augmentation rapide des prix observés depuis plusieurs mois. Cependant, la moitié des entreprises interrogées cherchent à réduire leur consommation d’énergie non seulement dans une optique d’économie financière, mais également dans une dynamique écologique.
Dans les grandes entreprises, cette stratégie est souvent associée à une stratégie de décarbonation de l’activité dans un cadre de développement durable. Pour les PME, la motivation financière prédomine souvent.
A nouveau, les tensions éventuelles sur l’approvisionnement en énergie ne sont pas considérées par la très grande majorité des personnes interrogées.
Eau
L’eau est le sujet le moins considéré chez nos interlocuteurs, sans doute parce que leur consommation d’eau est relativement faible.
Seule la société GG1 consomme énormément d’eau, et a déjà identifié et subi des contraintes de production liée à cet intrant. Cependant, cette entreprise retarde la mise en place d’une gestion de l’eau plus optimale en raison du coût élevé des structures à installer.
Conclusion
Il apparaît à travers les informations collectées que l’âge de l’entreprise joue un rôle crucial dans la considération pour les limites planétaires.
Les deux entreprises les plus jeunes (TPE1 et PME1) se distinguent particulièrement puisqu’elles ont été créées avec une vision écologique et elles portent une attention particulière aux impacts de leur activité.
La raison d’être et la vision initiale à la création sont donc des facteurs clés pour une prise en compte généralisée des limites planétaires non seulement à court terme mais également sur le long terme. Cela ne signifie pas qu’une entreprise plus ancienne ne pourrait pas adopter une posture équivalente, mais ce sera nécessairement un exercice plus complexe de transformation ou de redirection, par rapport à des entreprises ‘qui sont nées avec’.
La taille de l’entreprise est un autre facteur essentiel dans la considération pour les enjeux environnementaux associés aux externalités étudiées. En dehors de TPE1 et PME1 que nous traitons à part de par leur positionnement initial, on note une différence d’approche de PME2 et PME3 par rapport à ETI1 et tous les grands groupes.
Les dirigeants des deux PME sont clairement contraints par le quotidien de l’entreprise, et par un souci de rentabilité économique suivi de très près pour la pérennité de l’entreprise à court terme.
De l’autre côté, les grands groupes ont à leur disposition des équipes dédiées à la stratégie qui peuvent effectuer une veille permanente des évolutions du marché et se projeter sur le long terme. Il est important de noter cependant que cette dynamique reste liée au concept de développement durable, transition écologique ou résilience, avec des stratégies de décarbonation, de réduction de consommation d’énergie ou de développement des énergies renouvelables, sans la considération systémique que nécessite une réelle prise en compte des limites planétaires.
Pour en savoir plus
Le livre blanc ‘L’industrie et les limites planétaires’
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