Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les low tech ?
Le low-tech peut être défini comme « des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée, qui intègrent la technologie selon trois grands principes : Utile. Accessible. Durable. » (Low-Tech Lab).
Selon le point de vue, les low-techs sont soit une alternative soit un complément aux approches high-tech (telles que l’automatisation ou l’électrification). Pour donner un exemple concret de low-tech, nous pouvons comparer un rasoir de sécurité à double tranchant (abordable, facile à entretenir et à recycler, fabriqué avec des matériaux homogènes faciles à recycler, etc.) et un rasoir électrique chauffant (permet de raser et de chauffer le visage, très cher, impossible à réparer par le grand public, matériaux hétérogènes qui les rendent difficiles à séparer pour le recyclage, etc.), le premier étant une alternative low-tech au second.
rasoir de sécurité rasoir électrique chauffant Gillette
Dans une étude que nous avons conduite auprès de 26 spécialistes nationaux du low-tech, nous proposons de définir la démarche low-tech comme « un ensemble d’objets, de services et de pratiques dont la conception est contrainte par la nécessité de prendre soin des humains et des milieux de production/d’utilisation dont ils font partie ».
Cette définition prend appui sur les 8 catégories qui définissent le concept low-tech. Elles soulignent que le low-tech nécessite également une transformation humaine et sociale pour laquelle les sciences humaines sont compétentes.
Pouvez-vous nous dire si vous voyez un usage des low tech dans le monde industriel, et si oui, de quelle manière ?
Le low-tech apparaît comme une option crédible face à la crise environnementale. En France, on assiste d’ailleurs à un accroissement des actions sur le low-tech au niveau institutionnel et industriel.
On peut voir deux pistes émerger concernant le low-tech dans le monde industriel : le low-tech comme produit et le low-tech comme outil dans un système de travail.
Exemple de low-tech grand public (Gouvernail est un système d’orientation piétonne alternatif à la navigation GPS) et de low-tech comme système de travail (Neoloco est boulanger et torréfacteur solaire).
Le low tech comme produit
Pour ce qui est de la première piste, il s’agirait de concevoir et proposer aux clients des produits low-tech dont l’objectif serait d’offrir le meilleur niveau de service pour l’impact environnemental négatif le plus faible. Cela nécessiterait de prendre à bras le corps les freins rencontrés par les concepteurs et les utilisateurs. En effet, les concepteurs peuvent avoir des difficultés à sortir d’une approche de complexité technique pour emprunter une approche de « minimalisme technologique », qui n’est pas la façon classique permettant de valoriser ses compétences ou encore de développer son entreprise.
Il s’agit donc de changer les représentations sur une forme de conception qui apparaît pourtant comme la plus optimale possible et la plus élégante, puisqu’elle consiste à imaginer la solution la plus utile à travers la réponse technique la plus juste et donc la moins néfaste pour l’environnement et les humains.
Concernant les utilisateurs, « l’ergonomie » des objets low-techs est un frein important à la diffusion au grand public. En effet, un travail important est à faire concernant la définition de l’utilité des produits (ce que doit permettre de faire le produit) et donc des besoins auxquels ils doivent répondre. Ce sont aussi des objets qui sont plus rudimentaires et qui nécessitent une plus grande implication des utilisateurs, il faut donc s’assurer que ces objets soit accessible et utilisable . Les conditions de développement du low-tech incluent donc la prise en compte de ces obstacles, avec aussi un travail sur la désirabilité de ces artefacts pour le grand public.
Figure reflètant les principales préoccupations du public à propos du low-tech, issue de l’étude Ergonomie et Low-tech (vous trouverez une explication détaillée du schéma dans ce document). On constate que plus que les enjeux techniques, ce sont les obstacles liés aux à l’usage qu’il convient d’adresser.
Les auteurs proposent en clin d’œil à Philippe Bihouix et son ouvrage L’Âge des low tech, de nommer bihouicène l’époque qui serait marquée par une forte adoption du low-tech.
Le low tech comme système
Le low-tech comme système de travail, c’est l’utilisation de low-tech dans un contexte professionnel.
Cette piste va prochainement être l’objet d’une expérimentation supportée par l’ADEME sur la région Bretagne. On recense déjà certaines initiatives low-tech comme par exemple un boulanger et torréfacteur qui utilise un four solaire (en Normandie). Il existe aussi de nombreuses solutions qui correspondent à la démarche low-tech, mais qui ne sont pas explicitement labellisées comme tel ou qui sont même préexistence à cette approche.
On pourra prendre l’exemple du « Piano d’Anderson » en Ecosse, un système de détection de chute de pierre rudimentaire (lorsqu’une pierre traverse la pente elle sectionne le câble qui maintient un panneau, le panneau en s’abaissant avertit le conducteur) utilisé par le réseau ferroviaire et qui surpasse pour l’instant toutes les alternatives “high tech”.
On pense aussi au trieur hélicoïdal. Il s’agit d’un simple toboggan en forme de vis qui permet de trier des graines de nature et forme différentes, qui ont été récoltés ensemble mais qui sont utilisés de façon différenciée. Les graines “roulent” de façons différentes dans le trieur et se retrouvent plus ou moins à l’intérieur ou à l’extérieur du toboggan et peuvent donc être séparées facilement. C’est une alternative efficace aux trieurs numériques qui sont coûteux, plus énergivores et moins fiables.
Si l’utilisation de low-tech en tant que système de travail nécessite des aménagements de l’organisation du travail, il peut aussi permettre d’améliorer son impact environnemental, de baisser ses coûts, d’augmenter la fiabilité et de faire monter les travailleurs en compétence.
Merci à Antoine Martin de Sentier Ergonomie pour son éclairage sur l’éco-conception et les low techs.
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