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Experte dans les facteurs humains et organisationnels, Lisa Jeanson conseille les entreprises sur les sujets autour de l’ergonomie cognitive : réguler la charge de travail, améliorer les performances et la Qualité de Vie et les Conditions de travail et réduire les risques d’erreurs et d’accidents.
L’un de vos sujets de travail est la charge mentale des opérateurs : pouvez-vous nous en dire plus ?
Un opérateur qui travaille dans une usine ou sur un chantier effectue généralement des tâches :
- à fortes composantes manuelles (assemblage, tri, préparation de commande, construction, etc.),
- souvent cycliques,
- avec un rythme de travail très important.
Lorsque ces tâches sont répétitives, elles peuvent être réalisées en mode “automatique”, un peu comme lorsqu’on conduit sur l’autoroute, sans vraiment y prêter attention.
Depuis quelques années, l’engouement pour le “sur mesure” augmente la diversité de la production, et pousse à l’intégration de briques technologiques (outils complexes, aides à la production, tablettes, etc.). On s’aperçoit que les opérateurs doivent de plus en plus sélectionner des pièces, réfléchir et planifier leurs tâches. Leur activité devient de plus en plus complexe. Combinée à une pression temporelle importante, cette complexité peut avoir des effets néfastes sur la santé et sur la performance des opérateurs.
La charge mentale résulte de contraintes cognitives alourdies par des contraintes psychiques, combinées à une contrainte temporelle.
Cette charge mentale apparait également chez des employés et des cadres qui rencontrent des difficultés dans leur travail :
- baisse de performance,
- difficulté à se concentrer,
- impact sur la santé, etc).
Chez Coganalyse, notre mission est d’identifier les contraintes psychiques, cognitives et temporelles du travail du collaborateur, et de faire le lien avec les limites du fonctionnement du cerveau pour adapter le travail à l’Homme.
On cherche à réguler la charge mentale pour atteindre un état d’équilibre, et optimiser les performances et la santé des salariés.
Quelles sont les conséquences d’une charge mentale trop importante pour un salarié ?
Dans l’industrie comme dans le secteur tertiaire, on peut voir émerger deux types de conséquences :
- des effets délétères sur la santé des salariés,
- une émergence de défauts récurrents impactant la performance de l’entreprise.
Exemple 1 : les défauts de connexion
Nous sommes intervenus sur un défaut de connexion qui survenait régulièrement sur les lignes de montage d’un grand constructeur automobile. Les opérateurs sur ces postes neutralisaient très régulièrement des connecteurs au lieu de les connecter, ce qui entraînait des coûts importants de correction des défauts qui étaient découverts tardivement sur la ligne de production.
Exemple 2 : le service recrutement
Au sein du service RH d’un organisme public, les chargés de recrutement enchaînaient les arrêts maladie. Ils signalaient être régulièrement surmenés et les durées du processus de recrutement étaient anormalement longues.
Que peut-on apporter comme réponse à ces problématiques ?
Les comportements sont des symptômes.
Plutôt que d’agir sur eux, nous cherchons à identifier leur cause racine et agir dessus.
Par exemple, on doit décaler le prisme avec lequel on comprend les conflits au travail : ils sont moins souvent dûs à des incompatibilités entre plusieurs salariés qu’à des conditions de travail dégradées. Mettez la personne la plus empathique et ouverte d’esprit sous pression, et vous la transformerez tôt ou tard en un salarié grognon et peu conciliant.
Souvent, la solution se résume à analyser et adapter le travail réel aux capacités et au fonctionnement du cerveau.
Concrètement, cela donne quoi ?
Revenons sur les exemples proposés.
Exemple 1 : les défauts de connexions
Nous avons mené un chantier de deux semaines en trois étapes :
- Observations,
- Entretiens avec les opérateurs
- Préconisations.
En combinant les données recueillies et notre expertise, nous avons préconisé un changement de pièce pour guider la tâche des opérateurs qui a permis de faire disparaître totalement le défaut.
Exemple 2 : le service recrutement
Nous avons analysé l’activité pour comprendre de quelle manière le temps était investi.
Pour cela, nous avons développé une méthode qui permet d’analyser le travail réalisé à distance.
Cela a mis en évidence un fonctionnement en silo de l’organisme, sans réelle régulation des modes de communication :
- plages d’appel non définies
- pas de priorisation entre les modes de communication
- disponibilité permanente attendue de la part du personnel, etc.
Cette étude a démontré, par exemple, que les chargés de recrutement :
- travaillaient 11h par jour en moyenne,
- étaient interrompus toutes les 8 minutes
- passaient plus de 80% de leur temps de travail à transmettre des informations.
Ils déclaraient d’ailleurs jouer le rôle de “boîtes aux lettres”.
En travaillant sur la manière de communiquer avec les collectifs de travail et en formalisant les processus de recrutement, nous avons pu améliorer la passation d’informations et réduire drastiquement le nombre d’interruptions au travail.
Comment intervenir en amont plutôt qu’en aval ?
Dès la création d’un poste de travail, il est conseillé de mettre en place une démarche centrée sur l’humain. Cela signifie qu’au lieu de construire le poste autour d’une machine, d’un outil, d’une demande ou d’un produit, on le construit autour du salarié.
Cela implique de connaître les besoins des salariés (physiologiques, ambiance sonore, lumineuse, sociaux, rythme, marge de manoeuvre, etc,) et de co-construire avec eux leur activité.
Pour cela, à la place d’un process projet classique, on utilise les principes du design thinking, comme illustrés sur le schéma ci-dessous.
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